C’est un fait, les technologies évoluent. J’y reviendrai dans des futurs articles de blog tant il y a à dire mais l’avenir du traducteur-artisan est en péril… Est-ce une bonne chose ou va-t-on droit dans le mur ? Le débat enflamme le monde de la traductologie et les avis divergent encore mais la réalité est là : les ChatGPT et autres DeepL et consorts sont de plus en plus performants et leurs résultats sont époustouflants. Bien sûr, ces outils ne sont pas à mettre entre toutes les mains et les spécialistes de la traduction ont encore leur mot à dire en la matière. Nous ouvrirons cette boîte de Pandore dans de prochains articles, promis !
Je voulais ce mois-ci aborder l’utilisation de ces outils que certains qualifieront de ‘magiques’ dans le secteur bien précis de la traduction juridique, et à plus forte raison encore de la traduction jurée à destination des organismes étatiques (pour le cas précis de la Belgique : SPF Justice, monde carcéral, parquets, cours et tribunaux). Les colloques auxquels je participe à intervalles réguliers le précisent : les institutions belges ne les utilisent pas encore, en tous les cas pas officiellement. Et pour une simple et bonne raison : avec la machine, le risque d’erreur de sens dans un contexte précis subsiste et s’il y a bien un secteur où le sens d’une phrase doit garder tout son sens (!), c’est le monde juridique.
Une seconde motivation qui pousse à rester dans l’artisanat en traduction pour la Justice belge est la suivante : ces traductions sont souvent confiées à des traducteurs et des traductrices juré(e)s qui ont prêté serment devant la Cour pour traduire fidèlement (ce qu’on désigne une traduction ‘ne varietur’) et qui signent un code de déontologie prônant notamment la responsabilité engagée de l’auteur ou de l’autrice de la traduction par rapport à sa production. Donc que fait-on des traductions que la machine a faites et qu’il faut jurer… Il y a là un vide juridique et, sans reproche, vu la rapidité de l’administration publique à se moderniser, je ne m’avancerai pas sur une date à laquelle il sera comblé.
Voilà sans rougir, pour le traducteur-artisan que je suis, un créneau à ne pas louper, et j’ai sauté dedans à pieds joints !
Je ne suis pas crédule, le jour arrivera où il faudra faire traduire par la machine les textes à jurer et que je ne servirai que de relecteur de la machine, là pour approuver par mon ‘ne varietur’ et ma signature que contrôle a été effectué et que le texte produit correspond à son original… Mais n’allons pas trop vite en besogne, je revendique l’artisanat car c’est la seule véritable manière d’apprendre selon moi. Oui, certains diront que je suis un vieux ronchon mais il en faut… La boîte de Pandore est ouverte, laissons s’échapper les maux de la Terre, laissons aux machines de traduction faire leurs maladies de jeunesse, pour la suite, on verra…
Bruce
Publié le 1er septembre 2023